Ils font partie des travaux les plus avant-gardistes et ceux qui ont retenu le plus l’attention des participants au 10th IVIRMA Congress. Cet évènement s’est déroulé à Malaga (Espagne) du 20 au 22 avril 2023. L’Institut de sciences Weizman y a présenté sa technique de production de modèles synthétiques d’embryons de souris.
Ces embryons artificiels pourraient se révéler à terme une source fiable de cellules, de tissus et d’organes destinés aux greffes. Nous allons présenter aujourd’hui en détails les résultats obtenus dans ce domaine. Cette étude a été présentée lors du forum qui a réuni plus de 1 500 experts venus du monde entier.
Comment peut-on obtenir des embryons artificiels ?
Lesdits embryons artificiels, ou synthétiques, proviennent de cellules souches de souris, qui avaient été mises en culture dans une boîte de Petri, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à un ovocyte fécondé. Les chercheurs de l’Institut des sciences Weizman se sont appuyés sur leurs précédentes découvertes qui leur avaient permis de reprogrammer des cellules souches à un stade plus précoce.
L’utérus, non plus, ne s’est pas avéré nécessaire dans ce cas, puisqu’ils ont utilisé, pour le remplacer, un dispositif équivalent qui avait déjà servi lors des essais avec des embryons naturels de souris. En utilisant une solution nutritive avec des tubes toujours en mouvement, ils ont simulé le mode d’acheminement des nutriments dans le placenta via la circulation sanguine. Ce dispositif garantit de même un contrôle des échanges d’oxygène et de la pression atmosphérique pour ces embryons artificiels.
95 % de similarité avec des embryons naturels
Il s’agit par conséquent d’embryons obtenus sans ovocytes fécondés par des spermatozoïdes qui se sont développés sans utérus. Ceci a été rendu possible grâce à des recherches préalables effectuées sur des embryons naturels de souris. Ainsi le précise le Dr Jacob Hanna, membre du département de génétique moléculaire de l’Institut des sciences Weizman, et directeur de ces travaux.
« Lorsque les modèles synthétiques ont été comparés aux embryons naturels d’une souris, on a pu observer une similitude de 95 % en termes de structures internes mais aussi au niveau des modèles d’expression génique des différents types cellulaires. Tous les indices de fonctionnalité ont pu de même être observés sur les organes de ces modèles.
Les embryons artificiels obtenus disposent de cellules progénitrices ou spécialisées avec un cœur qui bat, un cerveau présentant des plis bien formés, un sac vitellin, un tube neural, un tractus intestinal, un placenta et un début de circulation sanguine. Cette évolution est apparue au bout d’à peine huit jours de développement. Ceci est pratiquement la moitié des 20 jours de gestation d’une souris.
Un nouvel horizon pour les greffes
L’importance de cette découverte, au-delà de permettre de réduire l’utilisation d’animaux dans la recherche, réside dans le fait qu’elle offre de grandes perspectives en matière de greffes d’organe. Elle pourrait en effet ouvrir la voie à la culture de tissus et d’organes à partir de modèles d’embryons synthétiques. Ainsi, les patients en attente d’organe pourraient bénéficier d’une greffe sans dépendre d’un don d’organe.
À court terme, l’objectif est d’étudier comment les cellules souches forment les différents organes dans l’embryon en développement. Il s’agit tout d’abord d’essayer de comprendre les mécanismes de reprogrammation et de différentiation. Pour cela, il est nécessaire d’observer ces transitions des cellules souches durant l’embryogenèse et l’organogénèse, et d’étudier le niveau d’équivalence des cellules entre celles in vitro et celles « in vivo ».
Le Dr Hanna, professeur associé de l’Institut des sciences Weizman, nous l’explique ainsi : « L’embryon est le point de départ parfait pour générer des organes et la meilleure des bioimprimantes en 3D. Il s’agit là d’un aspect essentiel pour pouvoir créer des mécanismes qui nous permettront de différencier les cellules souches et les cellules spécialisées du corps ou qu’elles forment directement des organes entiers. Cette opération était jusque-là très compliquée et la libération du potentiel d’auto-organisation codificateur des cellules souches a été la clé pour pouvoir y parvenir.
Une découverte essentielle pour les chercheurs
Ces progrès pourraient également permettre de réduire à l’avenir les essais en laboratoire sur les animaux. Ce serait aussi, par conséquent, une découverte importante pour l’activité de recherche.
Au-delà de simplifier le débat éthique de l’expérimentation sur des embryons naturels, on évite toute une série de problèmes techniques liés à cette pratique de recherche et de biotechnologie. En effet, certaines expériences ne peuvent pas être menées actuellement car elles nécessiteraient l’utilisation de milliers d’embryons. Les modèles dérivés des cellules embryonnaires de souris peuvent être en revanche reproduits par millions en incubateur dans un laboratoire. Les possibilités offertes par les embryons artificiels sont par conséquent illimitées
Un autre défi pour la recherche
Lorsque les chercheurs auront compris les mécanismes de reprogrammation et de différenciation des cellules souches, il restera à comprendre comment celles-ci savent ce qu’elles doivent faire. C’est-à-dire, comment elles s’auto-assemblent dans les organes et comment elles trouvent leur chemin jusqu’aux endroits qui leur ont été assignés à l’intérieur d’un embryon. Ce mécanisme peut s’avérer extrêmement utile pour pouvoir modéliser les défauts de naissance et l’implantation des embryons humains.
« Au lieu d’élaborer un protocole distinct pour mettre en culture chaque type de cellule, par exemple, celles du rein ou du foie, nous pourrons peut-être un jour créer un modèle synthétique similaire à l’embryon et isoler ensuite les cellules dont nous avons besoin. Il ne sera alors pas nécessaire de guider les organes émergents dans leur développement. L’embryon le fait bien mieux lui-même » précise le Dr Hanna, professeur associé de l’Institut des sciences Weizman.
Le rendez-vous incontournable de la médecine reproductive
Les plus grands chercheurs du monde dans le domaine de la médecine reproductive se sont retrouvés pour le dixième Congrès IVIRMA à Malaga du 20 au 22 avril 2023.
Les progrès obtenus dans le domaine de la PMA, les techniques les plus innovantes, mais aussi les résultats des dernières recherches, seront présentés au cours de cet événement. Par ailleurs, ce congrès est également l’occasion de rencontres et de partage des meilleures pratiques qui nous permettent d’améliorer jour après jour les résultats obtenus dans ce domaine. Cette année, ce congrès réunit plus de 1 500 spécialistes venus de 57 pays.
Par ailleurs, ce rendez-vous se déroule de nouveau en présentiel, après un rendez-vous 2021 en ligne en raison des restrictions persistantes dues à la pandémie de Covid-19.
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