Nous avons déjà abordé la relation entre l’intelligence artificielle et les embryons. Cet outil puissant est utilisé avec des résultats prometteurs pour sélectionner les meilleurs embryons à transférer lors d’un traitement de fécondation in vitro. Aujourd’hui, les chercheurs d’IVI ont poussé leurs recherches plus loin en étudiant comment l’IA permet d’analyser le comportement des embryons une fois décongelés, dans le but de sélectionner ceux qui ont les meilleures chances d’aboutir à une grossesse.
C’est l’une des études que nous avons présentées lors du 10e Congrès IVIRMA, qui se tient cette semaine à Malaga (Espagne). Plus de 1 500 personnes venues de 67 pays se réunissent pour partager les dernières avancées en matière de médecine reproductive.
Décongélation des embryons
Qu’est-ce qui se passe lorsqu’un embryon est décongelé ? Quatre heures s’écoulent entre la décongélation de l’embryon et son transfert dans l’utérus de la femme. Celà est crucial pour sa survie et son bon développement. Celà a déjà été étudié à de nombreuses reprises et la technologie time-lapse permet même d’observer cette évolution en temps réel, ce qui a permis de faire d’importants progrès dans la sélection des embryons pour les traitements.
Mais maintenant, les chercheurs d’IVI ont souhaité analyser les nombreux changements morphologiques que subissent les embryons après les procédures de congélation et de décongélation. L’intelligence artificielle est apparue comme un outil capable d’évaluer le potentiel d’implantation d’un embryon après décongélation. Jusque-là, nous savons peu de choses sur cette application de la technologie. C’est ici qu’intervient l’étude intitulée «Analysis of the morphological dynamics of blastocysts after vitrification/warming: defining new predictive variables of implantation», présentée lors du 10e Congrès international IVIRMA.
Intelligence artificielle et embryons
L’étude présentée est basée sur une analyse rétrospective portant sur un échantillon de 511 blastocystes décongelés. L’objectif est de mieux cerner le processus de reprise de division de l’embryon après sa décongélation.
Le Dr Marcos Meseguer, qui est à la fois superviseur scientifique d’IVI et spécialiste en embryologie à IVI Valence, est à la tête de cette étude. Il en explique les résultats de la manière suivante :
« Nous avons évalué la dynamique post-décongélation des embryons pour pouvoir prédire leur potentiel d’implantation en utilisant pour cela des réseaux de neurones artificiels (RNA) basés sur l’intelligence artificielle (IA). Nous travaillons pour cela sur un algorithme d’IA qui étudie le comportement de l’embryon entre sa décongélation et son transfert. On parle d’une période d’environ 4 heures. L’IA nous montre ainsi qu’un embryon qui reprend sa division plus tôt (le temps moyen de reprise étant de 50 minutes) et la réalise rapidement, en atteignant une surface de plus de 0,14 millimètre carré, a jusqu’à 30 % de chance supplémentaire de s’implanter par rapport à un embryon dont la reprise de division est plus tardive et plus lente au cours de ces 4 premières heures de vie. L’IA nous permet par conséquent d’identifier les embryons qui, malgré une bonne morphologie, ont une faible probabilité de s’implanter car, au moment de leur décongélation, ils tardent trop à reprendre leur division ou leur expansion est insuffisante. »
Comment un embryon est-il congelé ?
Il peut être nécessaire de comprendre préalablement le processus de congélation d’un embryon et comment il est réalisé pour assurer sa survie.
« Lorsque nous congelons l’embryon, nous le laissons dans un état inerte, en retirant son eau, qui est le moteur de l’activation de la cellule. Une fois l’eau retirée, c’est comme si le temps s’arrêtait, et l’embryon peut alors être conservé durant des années sans que le temps n’altère sa qualité. Quand on réanime le temps, on remet de l’eau dans l’embryon, qui y pénètre petit à petit mais de manière différente d’un embryon à l’autre. Ce processus de pénétration de l’eau et de sortie de l’antigel cellulaire (le cryoprotecteur) n’est pas identique chez tous les embryons, et tous ne le débutent pas au même moment. C’est cet aspect qui constitue le point de départ de nos travaux : nous avons en effet observé que l’embryon dans lequel l’eau commence à pénétrer plus tôt présente un meilleur pronostic. De même, l’embryon qui reprend sa division plus vite se portera mieux que celui dont la reprise de division est plus lente. Ces observations nous conduisent à corréler la reprise de la division des blastocystes décongelés et leurs chances d’implantation. Ainsi, plus de 60 % des blastocystes qui ont repris leur division se sont implantés avec succès, contre 6 % pour ceux qui n’ont pas repris leur division après leur décongélation », précise le Dr Meseguer.
Augmentation du nombre de traitements avec des embryons congelés
De nos jours, il est courant de recourir à la culture prolongée d’embryons et de les transférer au stade du blastocyste. En conséquence, les taux de réussite des traitements de PMA ont augmenté de manière significative. Cela implique la nécessité de cryopréserver tous les blastes viables en vue de leur transfert dans des cycles ultérieurs.
L’analyse de la dynamique des de blastocystes congelés, puis décongelés, réalisée via l’intelligence artificielle, pourrait s’avérer utile pour prévoir leur potentiel d’implantation. Par conséquent, l’utilisation de modèles prédictifs dans les cycles impliquant des embryons congelés pourrait éviter les transferts présentant de faibles chances de réussite. Cependant, les corrélations observées et l’algorithme proposé doivent encore être validés dans le cadre d’un essai prospectif de manière à pouvoir évaluer leur efficacité.
Le nombre croissant de cycles de transfert différé exige des critères de sélection de plus en plus précis pour améliorer les résultats du transfert d’embryons.
« Nous savons tous que chaque observation est associée à une exposition dans des conditions sous-optimales, en dehors de l’environnement contrôlé d’un incubateur, ce qui peut éventuellement affecter le succès du traitement. Par conséquent, la surveillance continue des blastocystes décongelés au moyen de systèmes time-lapse nous apporte des informations précieuses quant à leur potentiel d’implantation tandis qu’ils demeurent dans un environnement de culture stable et contrôlé.
À ce stade, il est important de préciser que tous les blastocystes ont été congelés et décongelés selon la méthode Cryotop, et qu’ils ont été placés dans l’EmbryoScope immédiatement après leur décongélation et jusqu’à leur transfert. Par ailleurs, nos travaux se différencient aussi parce qu’ils fournissent des valeurs quantitatives objectives sur les variables impliquées dans la reprise de la division des blastocystes, contrairement à l’évaluation morphologique subjective utilisée, jusque-là, pour cette reprise de division des blastocystes », ajoute le Dr Meseguer.
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